Tenez, commençons par l'histoire : on suit le quotidien de la jeune Torako Kageyama et de son entourage, dont principalement trois autres filles, dans une gigantesque école réunissant le plus large éventail possible d'élèves, que ce soit en âge ou en spécialité. On aperçoit déjà le combo classique "tranche de vie + quatre jeunes filles + école" qui est censé être une plate-forme solide, reconnue et efficace, mais son utilisation est très vite maladroite : si le côté "tranche de vie" ne pose pas de problème au premier abord, il en est autrement pour le groupe de lycéennes qui apparaît souvent fragmenté, ne profitant pas pleinement des possibilités d'intéractions entre chaque personnage. Contrairement, par exemple, à un Lucky Star où le quatuor d'héroïnes est pleinement employé, notamment le duo Konata/Kagami, dans Hyakko on reste trop souvent sur sa faim, sans pour autant que les personnages soient peu exploités : au contraire, chacun a ses instants de gloire, mais on assiste plus souvent à des one-girl show au lieu de duos, trios ou plus. Plus, car la série ne se limite pas à son quatuor de base et développe une large panoplie de personnages, principalement d'autres élèves. Chacun a le droit à une longue partie pour sa présentation, présentation durant laquelle sa personnalité se découvre et se construit au fil des réactions avec Torako et ses amies ; mais une fois cela fait, on ne garde plus que le trait dominant du personnage pour pouvoir l'utiliser dans chaque épisode suivant durant quelques secondes. Le même traitement est fait pour tous, et on empile, empile et empile encore de nouveaux personnages, ou pour tout dire, des nouveaux caractères. Au lieu de se focaliser sur les traits des quatre "premières" héroïnes ou de les développer, Hyakko choisit une troisième voie : plein de caractères, pour tout autant de personnages. Les treize épisodes de cette série reposent donc essentiellement, faute de temps, sur lesdites présentations ; cela n'est pas vraiment un mal en soi, mais force est de constater que tout ceci ne débouche que sur un gâchis de personnages ou de temps. Avec Hyakko, un nouveau genre est officialisé : la "tranche de personnage".

Néanmoins, Torako, grâce à son statut d'héroïne principale, occupe une bonne partie du temps d'écran, ce qui lui permet d'être un peu plus développée dans ses relations avec les autres personnages. Je retiendrai notamment son duo avec le professeur principal de sa classe ou celui avec Tatsuki, tous les deux servant de contre-balance au caractère insouciant et dissipé de Torako (les contraires formant souvent les meilleurs duos). Mais, malgré ces moments appréciables, un autre problème se pose : Hyakko n'a définitivement pas le sens du rythme dans ses blagues. On ne compte plus le nombre de temps morts entre deux dialogues, ces moments où l'on se demande pourquoi il ne se passe rien, comme si les animateurs et les doubleurs s'étaient concertés pour faire une pause, un instant de flottement. J'avoue avoir été plus que surpris par ce rythme singulier, n'ayant encore jamais été confronté à un cas similaire : ce n'est pas de la lenteur, c'est une bulle de vide qui reste suspendue au temps quelques secondes et qui explose soudainement pour laisser la place à la suite de l'action. Les enchaînements d'une ligne de dialogue à une autre semblent ainsi souvent absents ou trop longs, plombant la sensation d'énergie, de vitalité que Torako devrait délivrer. Le texte des dialogues, sans être d'une grande originalité, sait parfois faire mouche pour amuser le spectateur, mais le rythme n'y est pas du tout et l'humour retombe souvent à plat à cause d'une exécution trop hachée, trop courte ou au contraire trop lente : Hyakko, sur ce point, collectionne toutes les tares imaginables.

Sur un plan technique, on peut tout autant dresser un bilan mitigé : le design général des personnages n'est ni moche, ni soigné. On ne peut pas reprocher à la série d'avoir constamment des dessins hideux, mais on est très loin de s'extasier sur les personnages. Je vais m'avancer un peu, mais je ne pense même pas que cela soit une affaire de goût : il y a juste toujours quelque chose qui cloche (un visage de travers, des proportions bizarres, des détails qui sautent, des couleurs mal choisies) et qui fait que l'on ne réussit pas à être complètement satisfait du résultat. Bien entendu, il y a des moments bien réalisés, avec des jolis dessins et une jolie animation ; mais c'est pour souvent mieux être suivis, au prochain plan, par une scène brouillonne piquant les yeux. Je ne m'attarderai pas sur les musiques qui ne marquent pas les esprits, hormis celle du générique d'ouverture, assez horripilante pour mes oreilles ; même les doublages n'ont pas retenu mon attention et j'ai été surpris d'apprendre en cours de route qu'Aya Hirano, la voix de Dieu et de Konata, était de la partie (dans un rôle cependant assez fantomatique, celui d'Ayumi, la timide maladroite de service). Ce résumé de l'aspect technique de Hyakko me laisse perplexe, car durant la diffusion de la série j'ai pu voir fleurir sur internet de nombreuses images et animations tirées des épisodes fraîchement parus, laissant penser à un dessin-animé remplis de moments amusants et bien réalisés ; mais force est de constater qu'une fois ces petits moments remis dans le cadre terne d'un épisode, on rigole moins, on n'est pas convaincu, on croise les bras, bref on se demande comment le studio en charge de Hyakko a pu obtenir ce résultat bizarre (à ce titre, le dernier épisode, qui fait un retour en arrière sur le premier jour d'école, en est un parfait exemple, totalement à l'ouest).

On peut donc au moins regarder Hyakko par curiosité, pour voir comment une série peut louper le coche, tourner en rond et accumuler les fautes de goût. Dans le genre de la comédie ou de la tranche de vie, de bien meilleures productions sauront apporter une joie plus communicative que celle de Hyakko, au final trop maladroite pour toucher son but.