Je résume à nouveau l'histoire, pour ceux qui ne la connaissent pas ou ceux qui sautent toujours le premier paragraphe d'un billet sur une série car ils ne veulent pas lire de résumé : Michiko Malandro, une femme tout juste enfuie de prison, embarque avec elle Hana Morenos dans son échappée pour partir à la recherche d'Hiroshi Morenos, père d'Hana et ex-petit ami de Michiko. On suit ainsi les parcours - qui vont se rapprocher, se séparer, se retrouver, se croiser - de ces deux femmes qui sont en quête d'un homme et qui vont trouver bien plus sur leur chemin.

C'est beau, c'est bon, c'est chaud

Michiko to Hatchin joue d'emblée la carte du dépaysement : l'action se déroule dans une Amérique latine imaginaire, loin des environnements japonais habituels aux séries... japonaises (bravo si vous aviez deviné, c'était balèze) ou des univers délirants sortis des cerveaux sous acides des dessinateurs... oui, japonais (vous m'épatez si vous avez encore anticipé) ! Et c'est bête à dire (comme toutes les blagues que je peux faire), mais ce simple fait donne rapidement un cachet unique à l'ambiance dégagée par la série. Bien entendu, on peut contester cette vision de l'Amérique latine qui n'échappe pas aux clichés : au programme, des favelas, des favelas, de la jungle et des... favelas (qui a dit "japonais" ?) J'exagère beaucoup, mais c'est ce que l'on retiendra si l'on veut critiquer les clichés des pays latinos véhiculés par Michiko to Hatchin ; de mon côté, ce genre de débats ne m'interesse pas trop, ne connaissant aucun pays dudit continent et n'attachant pas d'importances à l'absence de détails véridiques (à part si un jour, une série se focalise sur mon village d'enfance de Saint Guedon sur Pagne, là forcément faudra pas déconner hého hein). Vous noterez d'ailleurs qu'il est très difficle de noter l'absence d'une chose dont on ne connait pas l'existence, et qu'utiliser les animés comme source viable d'informations sur le monde ne vous apprendra pas grand chose, hormis que vous êtes bête.

Je disais donc : le cadre de l'histoire est rafraîchissant, et ce à plus d'un titre. Les décors, d'abord : ils sont superbes. Je ne sais pas si c'est l'effet de nouveauté pour moi, mais j'ai admiré beaucoup de plans de Michiko to Hatchin, mettant ainsi souvent la vidéo en pause ; mais j'aime à croire que c'est tout simplement parce que c'est beau. La palette de couleurs penche beaucoup soit sur les teintes chaudes, soit sur les couleurs crasses et sombres, alternant ainsi, d'un épisode à un autre ou au sein d'un même épisode, la lumière à l'obscurité. Au fil de la série, on voit se développer un univers coloré, bariolé, baroque, où le bazar des villes et la complexité de la jungle se joignent dans un festival de belles couleurs. Cliché ou pas, la saleté constante de cet univers apporte beaucoup à la personnalité graphique de Michiko to Hatchin : tout y est peint en dégradé et chaque décor semble fourmiller de toute part, en gardant toutefois des palettes de couleurs selon les circonstances (comme par exemple beaucoup de couleurs chaudes dans les décors de ville). C'est beau de multitude et c'est incontestablement l'un des points qui m'a le plus fait apprécier la série.

Quant aux personnages, leur design est des plus sympathiques : ils ont tous des visages et allures bien identifiables et surtout bien accrocheurs. A commencer par Michiko, la diablesse à l'allure sexy-vulgaire qui colle bien à son tempérament de femme fougueuse. Son physique avantageux est souvent mis en avant par ses tenues, mais pourtant je n'irai pas hurler au fanservice car 1) j'aime bien le fanservice 2) la personnalité de Michiko est provocatrice à la base et ce physique ne dessert aucunement son personnage. C'est le cliché (DÉCIDÉMENT) de la bomba latina utilisé sans complexe sur une femme plus que forte. A côté d'elle, Hana est la petite fille à l'allure frêle et pâle de garçon manqué qui vient apporter le contrepoids à sa partenaire. D'autres figures vont également s'imposer lors du visionnage : Atsuko Jackson, l'inspectrice à la coupe afro blonde ; Shinsuke Rodriguez, allure déglinglée et regard fou ; Satoshi Batista, expression dure et revancharde, etc. Toute une galerie de gueules bien marquantes et au style assez plaisant vont défiler le long des vingt deux épisodes, et bien que l'on puisse noter quelques rares chutes de qualité et quelques mauvaises intégrations de personnages au décor, cela reste du chipotage vis à vis de l'ensemble du bon travail effectué par le studio Manglobe.

On the road again, again

Tous ces personnages tournent autour d'un thème principal : celui de la fuite. La fuite, d'abord comme moyen de libération : Michiko s'échappe de prison et Hana s'échappe de la tyrannie de ses parents adoptif, les deux héroïnes ont avant tout soif de liberté, soif de mener leur vie selon leurs désirs. La fuite distribue aussi irrémédiablement des rôles, le fuyard et le poursuivant. Sur ce point, Michiko et Hana sont des deux partis : poursuivies par la police et à la recherche d'Hiroshi, qui au fil des épisodes semble s'éloigner encore et toujours. Et à l'intérieur même du duo d'héroïnes, les deux rôles sont tour à tour joués, l'une cherchant l'autre qui s'échappe. Et enfin, cette fuite continuelle est  aussi prometteuse d'un avenir meilleur, elle se transforme en voyage vers un futur souhaité, elle devient paradoxalement porteuse d'espoir.

L'histoire suit donc littéralement le parcours de Michiko et Hana, la course qu'elles mènent pour distancer leurs poursuivants et rattraper Hiroshi. Les routes deviennent le circuit, les villes que le duo traversent des escales à l'intérieur desquelles il n'est pas rare qu'une autre course endiablée se joue. Tout le monde court, se cache, fonce dans des bolides, échappe de justesse ou est rattrapé par le sort. Lors de leur périple, Michiko et Hana croiseront d'autres destins, d'autres personnes qui inspireront leur futur par leurs actes et pensées, des personnages qui serviront de miroirs (parfois inversés) aux héroïnes. Des amitiés vont se nouer, des drames vont s'abattre lors de ces étapes, mais la route rappelle toujours les héroïnes qui repartent continuer leur chemin.

Est-ce que pour autant, Michiko to Hatchin est une série survoltée, qui a la bougeotte en toute circonstance ? Pas tellement, vu que l'on constate de nombreuses plages de calme durant la série, alternant avec la folie des courses-poursuites. Un rythme posé vient ainsi souvent accompagner des phases de repos, de découvertes ou des moments où l'intensité dramatique pèse sur toute une séquence. Et on pourra d'ailleurs reprocher à la série ce rythme posé, qui d'un certain point de vue laisse traîner en longueur quelques intrigues. Il n'y a pas de grandes réflexions à tirer des recits et ceux-ci sont loins d'être complexes, alors pourquoi cette lenteur dans la résolution ? La solution peut se trouver dans la construction d'une atmosphère lourde, moite et étouffante, que ce soit à l'intérieur des villes-labyrinthes ou de la jungle, mais aussi à travers ces personnages et les relations qu'ils tissent entre eux, les tensions et affections qui se forment sous les masques et qui éclatent tôt ou tard. Le meilleur exemple est celui du duo Michiko-Hana qui évolue d'épisode en épisode, duo qui va apprendre à se connaître, se détester et s'apprécier au fil de la route. De moyen pour atteindre leur but, leur fuite va se transformer en finalité : c'est dans celle-ci qu'elles se découvrent, dans celle-ci qu'elles deviennent inséparables à force de surmonter ensemble les obstacles, c'est dans celle-ci qu'elles vont chacune, à leur manière, gagner en maturité.

A travers ce road-movie, nous suivons donc principalement le récit d'une amitié, certes très particulière mais qui parvient néanmoins à trouver le ton juste, ou plutôt son ton juste. C'est une sale mais belle histoire, de l'espérance qui se construit à partir de riens, qui se bâtit progressivement, aussi bien sur les joies que sur les peines, sur les blessures et les apprentissages. C'est l'histoire d'une femme enflammée qui trouve refuge chez une petite fille en manque de chaleur. Et cela se conclut comme cela avait commencé : sur la route.