Dans le futur, sur la planète Aqua, ex-Mars terraformée par un Régis, l'eau domine la terre. Les humains y habitant ont décidé de faire bon gré mal gré et d'articuler leur mode de vie autour de cet élément. C'est ainsi qu'à Neo-Venezia, ville d'Aqua reprenant l'architecture de la Venise terrienne, le mode de transport le plus célèbre est la gondole, dirigée par des femmes surnomées Ondines. Et c'est justement dans le but de devenir elle-même une Ondine qu'Akari, une jeune terrienne, débarque sur Aqua. Le lecteur va ainsi découvrir avec elle cette planète, ainsi que le métier d'Ondine à travers sa formation dans la compagnie Aria.

Découpée en deux parties, d'abord Aqua (deux volumes) puis Aria (douze volumes), cette série dessinée par Kozue Amano est entièrement dédiée à la joie de vivre. Pas de place pour la morosité, ou seulement l'espace d'un instant, le temps de la surmonter ; et à la place, Aria submerge le lecteur dans l'humour, la contemplation et le bonheur.

Tant va la cruche à l'eau...

Sur la planète Aqua, Akari va rencontrer toute une galerie de personnages. L'héroïne va ainsi croiser et se lier d'amitié avec d'autres apprenties (Aika et Alice), va apprendre son métier au contact des Ondines (Alicia, Akira et Athena), va découvrir le fonctionnement d'Aqua et de Neo-Venezia grâce aux habitants (Akatsuki, Al, Woody, le facteur, etc.). C'est un fait vite avéré : Akari a un don de sociabilité qui lui permet de se lier d'amitié avec n'importe qui, réussissant à chaque fois à séduire ses interlocuteurs. Toutes ces rencontres se déroulent très souvent dans un cadre humoristique, en forte partie grâce au caractère enjoué et naïf d'Akari. Entourée d'Aika-la-franche et d'Alice-la-maussade, qui tranchent bien avec sa légèreté, elle prête souvent à sourire par ses mimiques de rêveuse et ses cris de détresse face aux brusqueries (toutes relatives) de ses camarades apprenties. Et durant ces scènes comiques, le look des personnages change pour un visuel en SD classique mais toujours efficace, avec des expressions de visage qui deviennent des marques du caractère de chaque protagoniste.

Une autre partie du comique de la série provient des chats, qui sont considérés sur Aqua comme des mascottes pour les compagnies de voyage en gondole. Nommés présidents de celles-ci (comme par exemple le bedonnant président Aria, de la compagnie du même nom), ils sont la manifestation de la loufoquerie dans Aria, se permettant toutes les extravagances, et ils apportent bien sûr un côté mignon pour tous les amoureux de ces bêtes. Ce que l'on retient donc de l'humour de la série, c'est qu'il est léger, basé sur des discordances de caractères jamais dramatiques et des gesticulations amusantes de bestioles aux allures adorables. Pas de trace d'humour noir, de blagues scabreuses, pas de cynisme tapant sur les coins sombres de l'humanité : l'objectif visé n'est pas de se défouler en dévalorisant quelqu'un ou quelque chose, on a affaire au contraire à un comique gentiment désinvolte, composé de chamailleries et de grimaces. L'humour, dans cette optique, est alors un excellent représentant pour exprimer la joie de vivre.

... qu'à la fin elle se ara ara ufufu

Akari étant le personnage principal d'Aria et donc le centre du récit, nous suivons son parcours de découvertes de la planète Aqua et des particularités de Neo-Venezia. De nature naïve, l'héroïne va ainsi s'émerveiller de ce que l'on peut considérer de prime abord des "riens", que ce soit une plante ou une vue originale sur la ville. Ce qui peut être d'abord perçu comme une bizarrerie du personnage est en fait un des plans de bataille de la série : nous faire découvrir, ou plutôt redécouvrir, le monde qui nous entoure, par le biais d'Akari, la fille capable d'être toujours ravie par un rayon de soleil ou un flocon de neige, même après quatorze volumes d'histoires, mais aussi par le biais de la planète Aqua.

Penchons-nous sur l'histoire d'Aria : elle se déroule dans le futur et propose donc des éléments de science-fiction, comme les explications sur la terraformation d'Aqua et ses conséquences, les machines employées pour équilibrer climat et apesanteur ou les véhicules volants. Mais au milieu de ceci, on trouve également une philosophie qui s'ancre dans les traditions, qui cherche un retour aux sources. C'est ainsi que la ville principale de la planète, Neo-Venezia, est conçue comme une copie de l'ancienne Venise, c'est-à-dire une Venise qui se rapproche de celle de notre époque. De même, les habitants ont décidé de suivre le plus possible les coutumes et le train de vie d'antan, d'où les gondoles, le courrier papier ou les anciens métiers encore en vigueur. Cette volonté de se réapproprier le passé se marie idéalement avec les progrès du futur, même si la préférence de la série semble tout de même souvent pencher vers le premier parti : Akari fait par exemple souvent des comparaisons entre Aqua et la Terre, cette dernière étant peinte comme certes parfaite, grâce aux technologies du futur, mais manquant d'authenticité, de naturel et d'imperfections.

A travers donc Neo-Venezia, c'est notre monde contemporain que l'on peut contempler avec Akari, avec la touche d'exotisme dûe au charme italien de Venise. L'héroïne qui provient d'un monde hightech se retrouve émerveillée par cet univers ressenti non pas comme rétrograde, mais plutôt comme neuf : c'est un monde de découvertes qui s'offre à elle. Et si le lecteur peut parfois lui aussi découvrir (notamment les particularités de Venise, pas forcément connues de tous), il est également d'autres fois dans une position singulière : celle de voir Akari s'étonner de choses de notre quotidien, de choses dont on a trop vite fait de s'habituer et, du coup, d'oublier. Aria tente ainsi de redonner le goût des choses communes et d'affirmer leur splendeur, et même si l'intention n'est pas de vouloir faire de tout le monde des Akari en puissance, on constate une volonté d'éveiller les consciences sur la beauté du monde qui nous entoure, que ce soit du plus grand bâtiment à la plus petite vague. La contemplation est perçue avec une forte valeur positive, mise souvent en avant par de superbes cases détaillées, représentant des paysages d'Aqua ou l'architecture de Neo-Venezia, prenant parfois toute une double page. Le message positif n'est pas entâché par des arguments moroses et passe donc sans encombre, tant que le lecteur accepte le postulat de départ ; mais ce n'est pas pour autant qu'Aria se contente de rester dans ces eaux claires : elle va également pêcher dans certains fonds obscurs, toujours dans le but de ramener son sujet à la lumière de la surface.

La cité de la joie

Chaque chapitre d'Aria est l'occasion de suivre une petite histoire, lui donnant son cachet de tranche de vie grâce au cumul de petits récits sur le quotidien ; si au départ, ceux-ci suivent les péripéties d'Akari, ils vont plus tard s'attarder sur d'autres personnages, au fur et à mesure que la galerie de portraits grandit. Ces changements de sujet permettent d'aborder des problèmes différents, de changer de point de vue par rapport à celui d'Akari, qui est toujours ravie du monde qui l'entoure. Sans toutefois entrer dans des histoires où les héroïnes seraient torturées par de grands troubles (on reste plutôt à l'échelle du quotidien, en adéquation avec le genre tranche de vie), la série place certains de ses personnages face à leurs craintes ou leurs doutes,qui sont certes véniels pour l'humanité mais dont les enseignements, eux, le sont déjà beaucoup moins. Car ces petits incidents servent à mieux promouvoir des morales et pensées, et les récits qui mettent en scène un problème offrent toujours une résolution lumineuse, effaçant toute trace de désespoir et de tristesse. Que ce soit sur le thème de la séparation, de la peur du futur ou du manque de courage, Aria y oppose toujours un versant positif, une vision qui apporte de la confiance, du réconfort et de l'espoir.

Et c'est peut-être par ces petites histoires que la série fait le plus mouche : tôt ou tard, il arrive pour tout lecteur d'Aria de se retrouver face à un chapitre qui lui parle, qui fait écho avec son expérience personnelle. Et s'il est séduit par l'approche positive qui conclue le chapitre, c'est un pont qui se forme entre lui et l'univers du manga, si ce n'était déjà fait auparavant. En partant de récits du quotidien (d'un monde futuriste mais qui sonne toutefois comme notre présent), Kozue Amano étend sa philosophie de la joie de vivre à un niveau universel, chaque conclusion de chapitre étant une preuve de plus apportée en soutien. C'est à la fin du deuxième tome d'Aqua que l'auteur explique que l'on a peut-être trop tendance à retenir les mauvais moments de notre vie, que les bons souvenirs méritent tout autant une place dans notre mémoire et qu'avec cette série, elle souhaite tenter de redonner goût aux instants heureux. C'est aussi de la sorte qu'Aria réussi à toucher au caractère humain sans être superficiel, contrairement à ce que l'univers naïf et optimiste pourrait d'abord laisser penser : l'espoir, le courage et la joie sont montrés comme des valeurs à conquérir au quotidien, pour ne pas être envahi par des tristes ou cruels sentiments, et les bons mots sont parsemés intelligemment, toujours aux moments les plus propices. Le destin n'y est pas décrit en terme de fatalité, mais en terme d'étapes à franchir ; le bonheur y est célébré dans la moindre de ses manifestations ; la beauté est exposée, montrée au grand jour dès que possible. Et Akari nous sert non pas de modèle, mais de guide vers cet idéal d'optimisme : par sa gentillesse, sa sociabilité et son romantisme, elle trace un chemin, elle ouvre des portes et nous invite à tester par nous-même sa vision de la vie.

Aria emploie donc le genre "tranche de vie" à bon escient, dans tout son potentiel : celui qui peut même parvenir à étendre le quotidien de jeunes apprenties gondolières du futur vers un champ de portée universel, où chacun peut y trouver une place et profiter de la douce et harmonieuse ambiance du manga. Attention, grande oeuvre cachée sous de petites apparences !

On parle aussi du manga sur : Manga-News

Et on parle de la série animée-qui-fait-pleurer sur : Skavblog, Meido-Rando, Inuki's Blog, NamkcAnimation

Et on se mord les doigts de savoir que la publication française du manga, gérée par la maison d"édition Kami, s'est arrêtée depuis presque un an au volume 7.